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présentée à l'ONU en 2005

Déclaration Universelle d’Interdépendance

“La Terre, foyer de l’humanité, constitue un tout marqué par l’interdépendance” (Préambule de la Déclaration de Rio, Sommet de la Terre, 1992)

Nous, les peuples des Nations Unies, rappelons :

Notre attachement aux valeurs de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, réaffirmées lors de la Conférence internationale de Vienne et intégrées dans la Déclaration du Millénaire.

Nous constatons que :

Devenue un fait lié à la globalisation, l’interdépendance est à la fois une chance et un risque :

une chance, car la globalisation des flux (flux migratoires, flux d’informations scientifiques et culturelles, flux financiers et de marchandises) témoigne d’une communauté en formation qui conditionne l’avenir de la planète et celui de l’humanité ; un risque, car ce phénomène entraîne une globalisation des menaces écologiques et biotechnologiques, ainsi que des facteurs d’exclusion sociale et de marginalisation (non seulement économique mais aussi sociale, scientifique et culturelle) et une globalisation des crimes (du terrorisme international aux trafics de personnes et de biens), menaçant tout à la fois la sécurité des personnes, des biens et plus largement de la planète.

Nous considérons que :

La globalisation des flux favorise des pratiques débordant les territoires nationaux au profit de réseaux transnationaux qui s’organisent selon leurs intérêts spécifiques à l’exclusion de toute vocation à défendre les valeurs et les intérêts communs. La globalisation des risques et celle des crimes démontrent les limites des souverainetés nationales et appellent des mesures de prévention, de régulation et de répression selon une politique commune et avec des moyens juridiques communs.

Le moment est venu de transformer cette communauté involontaire de risques en une communauté volontaire de destin. Autrement dit, le moment est venu de construire l’interdépendance comme un projet en nous engageant – à la fois comme individus, comme membres de communautés et de nations distinctes et comme citoyens du monde – à reconnaître notre responsabilité et à agir, directement et par l’intermédiaire des Etats et des Communautés (infra et supranationales), pour identifier, défendre et promouvoir les valeurs et intérêts communs de l’humanité.

Nous déclarons que :

La communauté de destin appelle la proclamation du principe de l’intersolidarité planétaire. Ce principe implique, d’une part, de reconnaître une diversité fondée sur un esprit de tolérance et de pluralisme ; d’autre part, d’organiser, dans cet esprit, les processus d’intégration associant à la fois les individus, les organisations détentrices de pouvoirs, les Etats et la Communauté internationale.

La mise en œuvre de ce principe suppose : de réaffirmer l’ensemble des droits fondamentaux des individus présents, de les étendre aux générations futures et d’en renforcer l’application dans les limites nécessaires, dans une société démocratique mondiale, au respect de l’ordre public national et supranational ; de reconnaître que la détention d’un pouvoir d’échelle globale, qu’il soit économique, scientifique, médiatique, religieux ou culturel, implique le corollaire d’une responsabilité globale, c’est-à-dire étendue à tous les effets de ce pouvoir ; d’inciter les Etats souverains à reconnaître la nécessité d’intégrer l’ordre public supranational à la défense des valeurs et intérêts communs dont ils sont l’indispensable support ; de favoriser le développement des institutions représentatives des communautés internationales régionales, en même temps que de renforcer la Communauté mondiale et l’émergence d’une citoyenneté globale afin d’élaborer une politique commune pour la régulation des flux ainsi que la prévention des risques et la répression des crimes.

Présenté au Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan et au Président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, Jan Eliasson, le 24 Octobre 2005, jour du 60e anniversaire des Nations Unies.

Premiers signataires:

ATLAN Henri, Bio-physicist and philosopher, France
BOLGER James, former Prime Minister of New Zealand
DELMAS-MARTY Mireille, University Law Professor, France
DREIFUSS Ruth, former President of Swiss Confederation
EVANS Gareth, President ICG, former Minister of Foreign Affairs, Australia
FRASER Malcolm, Chairman, InterAction Council ; former Prime Minister, Australia,
GOLDMAN Sacha, Secretary-General, International Collegium, France
HALPERIN Morton, Director of U.S. Advocacy, Open Society Institute,USA
HESSEL Stephane, Ambassador of France
KUCAN Milan, former President of Slovenia
LE CARRE John, Writer, UK
LEVITTE Jean-David, Ambassador of France in USA, Washington DC
MORIN Edgar, Philosopher, France
OULD ABDALLAH Ahmedou, Special Representative of the UN Secretary-General in West Africa, former Minister of Foreign Affairs, Mauritania
PASSET René, Economist, France
RAMOS Fidel, former President of the Philippines
ROBIN Jacques, Philosopher, Founder of ‘Transversales’, France
ROBINSON Mary, former United Nations High Commissioner for Human Rights, former President of Ireland
ROCARD Michel, former Prime Minister of France
SAHNOUN Mohamed, Ambassador of Algeria
VAN AGT Andreas, former Prime Minister of the Netherlands
VASSILIOU George, former President of the Republic of Cyprus
VIRILIO Paul, Philosopher, France
VON WEIZSÄCKER Richard, former President, Germany

 

PREAMBULE : UN CRI D’ALARME

Alertés par les graves dangers qui menacent l’équilibre du monde et le devenir de l’humanité, les membres du Collegium international éthique politique et scientifique identifient quatre raisons principales à l’origine de ces dangers.

La première est un manque d’orientations, de visions ou de pratiques éthiques dans l’exercice des pouvoirs politique, économique, médiatique et technologique par ceux qui les détiennent. Ni les États, ni les entreprises multinationales, ni les autres détenteurs de pouvoirs effectifs ne semblent manifester cette vision. Les Nations unies ont déterminé les objectifs à atteindre pour répondre aux défis majeurs du nouveau siècle ; mais leur fonction normative est affaiblie par la fragmentation des compétences entre les diverses organisations internationales et par l’absence d’un mécanisme intégré, voire d’une juridiction mondiale des droits de l’homme, qui contrôlerait l’application effective et indivisible de l’ensemble des droits fondamentaux, qu’ils soient civils et politiques ou économiques, écologiques, culturels et sociaux.

Cette faiblesse éthique est d’autant plus grave que se creuse un déficit de responsabilité : le monde se globalise, le pouvoir se concentre, mais la responsabilité se dilue. Le pouvoir effectif est aujourd’hui disséminé entre des acteurs économiques, politiques, médiatiques, sociaux, culturels, intellectuels et religieux sans que les conditions et les moyens de leur responsabilité à l’égard des peuples et des citoyens soient pour autant clairement établis.

La seconde raison est l’impact croissant sur les humains et les écosystèmes de la dégradation physique biologique et atmosphérique de notre planète, avec des conséquences qui se manifestent de façon sporadique par des sécheresses (et la désertification qui en résulte), des inondations, des cyclones, des changements climatiques et des menaces de pollution irréversibles. Les programmes préconisés dans les conférences mondiales pour y faire face, comme à Rio en 1992 et à Johannesburg en 2002, déjà insuffisants au regard des enjeux, sont ensuite ignorés ou mal interprétés.

La troisième raison d’alarme est le fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres, mis en évidence par le fait que plus du tiers de nos contemporains sont privés de leurs droits humains civils, politiques, sociaux et culturels fondamentaux, en contradiction avec les promesses formulées par la communauté internationale depuis l’adoption des principes juridiques par les Nations unies. Nos indicateurs, principalement monétaires, nous entraînent vers une société de marché guidée par le “tout économisme”. La mondialisation s’opère alors contre la plus grande partie de l’humanité et en détruisant sa niche écologique. Et la mutation informationnelle échoue à concrétiser les promesses dont elle est porteuse. La prépondérance accordée aux vraies richesses – celles de l’intelligence et de la vie – devrait pourtant nous permettre de tracer la seule voie possible : celle d’une renaissance des fondamentaux éthiques, écologiques et anthropologiques.

La quatrième raison réside dans les risques croissants de guerre et de terrorisme, et dans l’absence de freins mis à la montée de la violence et de la barbarie. Autant de signes qui indiquent que l’humanité est aujourd’hui principalement menacée par sa propre inhumanité. Mais la possibilité de s’autodétruire la constitue aussi comme sujet et responsable de sa propre histoire. Les enjeux d’une responsabilité éthique et spirituelle deviennent ainsi des enjeux politiques majeurs qui doivent être traités dans le cadre d’un véritable dialogue intercivilisationnel.

Afin d’apporter une réponse pertinente à ces risques et défis, la construction d’une civilité mondiale a besoin – pour replacer la science, l’économie et la technologie au rang de moyens et non de fins – d’une exigence non soumise aux contraintes des intérêts, à l’obsession médiatique, à la pression du court terme. Ce constat préside à la création d’un Collegium international éthique, politique et scientifique en charge d’une quadruple fonction :

  • de veille et d’alerte sur les principaux risques que court l’humanité ;
  • de discernement, en particulier éthique, quant à la nature de ces risques et à la qualité des moyens nécessaires pour y faire face sans que ceux-ci deviennent eux-mêmes contre-productifs ;
  • de délibération dans des conflits majeurs se réclamant d’un cadre éthique ;
  • de conseil auprès des gouvernements et des institutions internationales (en tout premier lieu des Nations unies) afin d’éclairer leur processus de décision ;

Une Déclaration pour une prise de conscience de l’interdépendance mondiale, idée qui fut prédominante lors de la rédaction de la Charte des Nations unies, apparaît nécessaire. Cet appel reflète un sens conjoint des responsabilités de la part de femmes et d’hommes d’État et de pensée. Ces voix doivent aussi se faire entendre par le réseau mondial d’associations de citoyens qui s’est constitué au cours de la dernière décennie.

Dans le prolongement du Préambule de la déclaration de Rio qui, pour la première fois, proclama que “la terre, foyer de l’humanité, constitue un tout marqué par l’interdépendance”, cet appel prend la forme d’une Déclaration générale rappelant que, si l’interdépendance est devenue une réalité, il est temps aussi de la formuler comme un projet.

I – PRINCIPES : L’INTERDEPENDANCE COMME PROJET

Les membres du Collegium rappellent :

Leur attachement à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme proclamée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948, réaffirmée lors de la Conférence internationale de Vienne en 1993, ainsi qu’aux Déclarations de Rio (1992) et Johannesburg (2002).

Ils constatent que :

Devenue un fait lié à la globalisation, l’interdépendance est à la fois une chance et un risque :

  • une chance, car la globalisation des flux (flux financiers et de marchandises, flux migratoires, flux d’informations scientifiques et culturelles) témoigne d’une communauté de vie qui conditionne l’avenir de la planète et celui de l’humanité ;
  • un risque, car ce phénomène entraîne une globalisation des risques écologiques et biotechnologiques, ainsi que des risques d’exclusion sociale et de marginalisation (non seulement économique mais aussi sociale, scientifique et culturelle) et une globalisation des crimes (liés aux trafics de personnes et de biens comme au terrorisme), menaçant tout à la fois la sécurité des personnes, des biens et plus largement de la planète. Ceci témoigne de l’existence d’une communauté de destin.

Ils considèrent que :

La globalisation des flux favorise des pratiques débordant les territoires nationaux au profit de réseaux transnationaux qui s’organisent selon leurs intérêts spécifiques (lex mercatoria, lex electronica) sans avoir vocation à défendre les intérêts communs. La globalisation des risques et celle des crimes démontrent les limites du relativisme et appelle des mesures de prévention, de régulation et de répression selon une politique commune et avec des moyens juridiques communs.

Le moment est donc venu de construire l’interdépendance comme un projet en nous engageant

  • à la fois comme individus, comme membres de communautés et de nations distinctes et comme citoyens du monde.
  • à reconnaître notre responsabilité et à agir, directement et par l’intermédiaire des États et des Communautés (infra et supranationales), pour identifier, défendre et promouvoir les intérêts communs de l’humanité.

Ils déclarent que :

La communauté de vie et la communauté de destin appellent la proclamation du principe de l’intersolidarité planétaire.
Ce principe implique, d’une part, de reconnaître une diversité assise sur la tolérance et le pluralisme ; d’autre part, de mener un processus d’intégration concernant à la fois les individus, les organisations détentrices de pouvoirs, les États et la Communauté internationale et supposant :

  • d’étendre l’ensemble des droits fondamentaux des individus présents aux générations futures et de les développer dans les limites nécessaires, dans une société démocratique, au respect de l’ordre public national et supranational ;
  • de reconnaître que la détention d’un pouvoir global, qu’il soit économique, scientifique, médiatique, religieux ou culturel, implique le corollaire d’une responsabilité globale, c’est-à-dire étendue à tout le champ des effets de ce pouvoir ;
  • d’inciter les États souverains à reconnaître la nécessité d’intégrer l’ordre public supranational à la défense des intérêts communs dont ils sont l’indispensable support ;
  • de favoriser le développement des institutions représentatives des communautés internationales régionales en même temps que de renforcer la Communauté mondiale et l’émergence d’une citoyenneté globale afin d’élaborer une politique commune pour la régulation des flux ainsi que la prévention des risques et la répression des crimes.

II – PRIORITES : UN PROGRAMME D’ACTION

Les membres du Collegium international éthique, politique et scientifique se proposent de travailler sur quelques applications concrètes des principes énoncés dans la déclaration générale. Loin d’être exhaustive, cette première liste pourra s’enrichir régulièrement de nouveaux thèmes ressentis comme prioritaires par le réseau qui va se constituer au cours du Collegium (et notamment par les représentants de la société civile mondiale). Un appel à contributions pourra être lancé en ce sens.

1) Inventer la démocratie à l’échelle globale

La logique horizontale de l’interdépendance suppose de reconnaître la diversité des racines des cultures démocratiques ; sa logique verticale, de faire émerger un socle commun adapté aux changements de notre époque. Dans cet esprit, le Collegium pourrait réfléchir à la création d’”indicateurs de démocratie” (allant dans le sens des préconisations du PNUD.) Mais aussi mettre en lumière ce qui, du côté de la société civile”, peut contribuer à construire une “citoyenneté globale”

2) Identifier et protéger les biens publics mondiaux

L’interdépendance suppose de reconnaître le caractère “commun” de certains biens mondiaux. Le Collegium portera plus particulièrement son attention sur ceux dont la préservation et la distribution posent des défis majeurs dès aujourd’hui. C’est notamment le cas :

  • de l’eau potable ;
  • de l’accès aux connaissances ;
  • des ressources agricoles alimentaires et du problème des OGM tant comme risques que comme opportunités ;
  • des produits pharmaceutiques ;
  • des ressources énergétiques ;
  • des transports publics.public transport.

3) Construire les conditions et les indicateurs du développement durable

L’interdépendance suppose de mettre en cohérence les différents horizons temporels. Or, les indicateurs dont nous disposons aujourd’hui nous conduisent à opérer des choix à court terme qui contredisent les objectifs affichés à moyen et long terme. La mise en place d’une nouvelle vision de la richesse et nouveaux indicateurs apparaît ainsi comme une nécessité pour mieux intégrer les exigences écologiques et sociales du développement durable.

4) Bâtir un universalisme des valeurs

Entre l’affirmation d’un relativisme absolu et la tentation de définir l’éthique universelle à partir des seuls fondements occidentaux, un universalisme des valeurs est à construire sur la base d’un dialogue intercivilisationnel. Un questionnement conjoint aux grandes autorités spirituelles et morales de ce monde (sur les questions d’environnement, d’éthique, de rapport hommes-femmes) pourrait servir de base à ce travail. Il permettrait aussi de faire émerger les fondements d’une “écologie mentale” et d’une éducation à la responsabilité et la citoyenneté globale adaptées à notre époque.

5) Garantir les droits économiques et sociaux

L’application concrète du principe de l’intersolidarité planétaire suppose que les droits économiques, sociaux et culturels ne soient pas séparés des droits civils et politiques. Conséquence : l’OMC, le FMI et la Banque mondiale seraient tenus de respecter les pactes de l’Onu sur les droits de l’homme, les conventions de l’OIT sur les droits sociaux et les conventions internationales sur l’environnement. Ce tissu juridique serait opposable à l’ensemble des acteurs économiques.Bled, Slovenie – 5/6 Octobre 2002

Pour le Collegium International :

ARIAS SANCHEZ Oscar, Nobel Prize for Peace, former President of Costa Rica
CARDOSO Fernando Henrique, former President of Brazil
DREIFUSS Ruth, Former President of the Swiss Confederation
FRASER Malcolm, former Prime Minister, Australia
HABERMAS Jürgen, Philosopher, Germany
KONARÉ Alpha Oumar, former President of Mali
KUCAN Milan, former President of Slovenia
MORIN Edgar, Philosopher, France
OGATA Sadako, former High Commissioner for H.C.R., Japan
ROBINSON Mary, President of Ethical Global Initiative, former President of Ireland
ROCARD Michel, Chairman, Commission for Cultural Affairs, European Parliament, former Prime Minister of France
SEN Amartya, Economist, Nobel Prize, India
STIGLITZ Joseph, Economist, Nobel Prize, USA
Prince HASSAN BIN TALLAL, Jordan
VON WEIZSÄCKER, Richard, former President of the Federal Republic of Germany
ATLAN Henri, Bio-physicist and philosopher, France
DELMAS-MARTY Mireille, University Law Professor, France;
HESSEL Stéphane, Ambassador of Franc
OULD ABDALLAH Ahmedou, former Minister of Foreign Affairs, Mauritania
SACHS Wolfgang, Economist, Chairman of Greenpeace, Germany
VANDEN HEUVEL William, Ambassador, Chairman, Franklin and Eleanor Roosevelt Institute, USA
HABIBIE Bacharuddin Jusuf, Former President of Indonesia
SCHMIDT Helmut, Former Chancellor of the Federal Republic of Germany
LIFTON Robert J., Professor, Cambridge University, Massachussets, USA

Appel pour une gouvernance mondiale solidaire et responsable

Par des membres du Collegium International

Voir le PDF.

1. Une « polycrise » .

Nous devons faire face à une conjonction de crises d'envergure mondiale qui est sans précédent dans l’histoire : épuisement des ressources naturelles, destruction irréversible de la biodiversité, dérèglements du système financier mondial, déshumanisation du système économique international, famines et pénuries, pandémies virales, désagrégations politiques… Or aucun de ces phénomènes ne peut être considéré isolément. Ils sont tous fortement interconnectés et forment une seule «polycrise» menaçant ce monde d'une «polycatastrophe». Il est temps de prendre la mesure systémique du problème, pour lui apporter enfin des solutions intégrées – premiers jalons pour redéfinir les principes qui devront inspirer à l'avenir la conduite globale des affaires humaines.

2. Reconnaître nos interdépendances.

Parce que ces grandes crises du 21è siècle sont planétaires, les hommes et femmes du monde entier doivent reconnaître leurs interdépendances multiples (entre Continents, Nations, Individus). Catastrophes survenues et catastrophes imminentes : dressée au carrefour des urgences, il est temps pour l'humanité de prendre conscience de sa communauté de destin. Point d'effet papillon ici, mais la réalité, grave et forte, que c'est notre maison commune à tous qui menace de s'effondrer – et qu'il ne peut y avoir de salut que collectif.

Leçon de la mondialisation par excellence, nul de nos États ou aucune Institution internationale n’est plus aujourd’hui en mesure de faire respecter un ordre mondial et d’imposer les indispensables régulations globales. La fin des tentations impériales, le glas de la seule domination occidentale et l'intervention croissante d'acteurs non-gouvernementaux marquent aujourd'hui les limites de la notion de souveraineté étatique et l'échec de son expression internationale : l’inter-gouvernementalisme. Les intérêts nationaux ne peuvent être sauvegardés que par des mesures communes à tous, alors que trop souvent, les égoïsmes locaux transforment la scène internationale en forum de marchandages souvent sordides.Que ce soit en matière de protection de l'environnement ou de lutte contre le réchauffement climatique, de stabilisation des échanges de matières premières et produits de base, de planification des ressources énergétiques, de réduction des déséquilibres économiques et commerciaux, de régulation et de contrôle des marchés financiers, comme à propos conséquences potentiellement déstabilisatrices des flux migratoires, de l'accroissement des inégalités ou des exclusions sociales, la sécurité collective se heurte à l’inévitable myopie des intérêts nationaux.

Dans ce jeu à somme nulle, chaque concession parait toujours vécue comme une défaite. Même derrière la promotion de la multipolarité ne se dissimule trop souvent que l’équilibre précaire des aspirations nationales à la domination. Pour remédier à cet écueil, il convient d'élaborer des modèles d’organisation alternatifs à l'hégémonie, à la fois intégrés et pluralistes.

3. Repenser les principes juridiques internationaux.

Pour instaurer une gouvernance mondiale digne de ce nom, c’est-à-dire qui trouve sa cohérence à l’échelle globale, il importe de transformer le droit international en droit commun de l’humanité en repensant les principes suivants:

- faire évoluer celui de la souveraineté vers la souveraineté partagée ;

- redéfinir celui de la compétence territoriale pour rendre possible une Justice à vocation universelle ;

- renforcer celui de la sécurité internationale, dans le prolongement du « devoir de protéger les populations » invoqué par le Conseil de sécurité à propos des massacres en Lybie, en élargissant la sphère de protection au-delà de la violence armée par la reconnaissance d'un devoir à l’égard des générations futures et de la biosphère.

Car une véritable gouvernance mondiale ne pourra se développer qu'à condition de surmonter l'écueil des compromis dictés par les seuls marchandages entre intérêts particuliers, puis de bâtir des mécanismes de prise de décisions politiques planétaires – dans l’intérêt de l’humanité, comprise comme une communauté non plus internationale, c’est-à-dire interétatique, mais mondiale, c’est-à-dire interhumaine.

4. Affirmer un principe nouveau.

Le premier pas vers cette communauté mondiale, la condition préliminaire pour le processus de métamorphose dans laquelle naitrait une société-monde d'un type nouveau dont l'unité, tout en formant une Terre-Patrie, entretiendrait la diversité des patries et des cultures est d’associer les divers acteurs, étatiques et non étatiques, individus et organisations, à la reconnaissance universelle d’un principe nouveau qui résulte de l’interdépendance, celui d'intersolidarité planétaire.

Inscrit dans le prolongement des grands textes internationaux (de la Déclaration universelle des droits de l’homme au statut de la Cour pénale internationale, en passant par les biens publics mondiaux), ce principe devra à la fois préserver la diversité dans un esprit de tolérance et de pluralisme, et résister au relativisme qui conduit à la déshumanisation. Loin d’opposer le principe-responsabilité au principe-espérance, le principe d’intersolidarité les réconcilie afin que la peur engendre la solidarité et que la responsabilité s’ouvre à l’espérance

5. Prendre trois mesures d’urgence.

A force d'oublier l'essentiel pour l'urgence, on oublie l'urgence de l'essentiel.

Pour éviter la répétition de crises économiques et financières de plus en plus graves et déstabilisatrices, l’intersolidarité doit se traduire d’urgence par la mise en oeuvre des mesures demandées par la société civile et nombre de Parlements, voire annoncées par plusieurs gouvernements, mais enterrées en pratique sous le poids des lobbies bancaires et financiers :

- l’éradication effective des paradis fiscaux ; 

- la séparation des banques de dépôt et d’investissement spéculatif ; 

- la taxation des transactions financières.

6. Relancer des négociations fondamentales.

L'inter-solidarité doit également conduire la communauté internationale à reprendre le fil des négociations relatives aux mesures à prendre pour réguler et contrôler une économie mondialisée tout en assurant un développement durable équilibré et une réduction des inégalités inter-étatiques comme intra-étatiques. Cette ambition louable et légitime qui visait à mettre en place un nouvel ordre économique international plus juste et plus stable, condition essentielle d'une sécurité internationale, a hélas été sacrifiée à partir des années 80 sous la pression de théories néolibérales dont on mesure l'ampleur des dégâts aujourd'hui.

Elle doit en outre s'exprimer au travers d'une relance des discussions et d'une prise de décisions rapide sur les problèmes à résoudre à brève échéance pour la survie de la planète: 

- sauvegarde de la biosphère ; 

- suppression des armes de destruction massive ; 

- contrôle de l'énergie nucléaire.

7. Respecter quatre conditions permanentes.

La mise en œuvre effective suppose :

- de réaffirmer l'ensemble des droits fondamentaux des individus présents, de les étendre aux générations futures et d’en renforcer l’application dans les limites nécessaires, dans une société démocratique mondiale, au respect de l'ordre public national et supranational ;

- de reconnaître que la détention d'un pouvoir d’échelle globale, qu'il soit économique, scientifique, médiatique, religieux ou culturel, implique le corollaire d'une responsabilité globale, c'est-à-dire étendue à tous les effets de ce pouvoir ;

- d'inciter les Etats souverains à reconnaître la nécessité d'intégrer l'ordre public supranational à la défense des valeurs et intérêts communs dont ils sont l'indispensable support ;

- de favoriser le développement des institutions représentatives des communautés internationales régionales, en même temps que de renforcer la Communauté mondiale et l'émergence d'une citoyenneté globale afin d'élaborer une politique commune pour la régulation des flux ainsi que la prévention des risques et la répression des crimes.

Appel

Nous appelons donc à la création d'un creuset politique où puissent se définir concrètement les intérêts supérieurs de l'humanité, un lieu où puissent s'exprimer la diversité et la sagesse des cultures, à travers des représentants de la société civile et des autorités morales, intellectuelles et scientifiques.

Nous appelons les représentants des Etats à faire pression sur l'Assemblée Générale de l'ONU, afin d'aboutir à l'adoption d’une « Déclaration universelle d’interdépendance » qui se donne comme objectif de faire respecter le devoir de protection des populations contre les risques, présents et à venir, et de responsabiliser les divers acteurs de la mondialisation.

Nous appelons, en somme, à retrouver l'esprit pionnier de la Charte des Nations-Unies qui proclamait « Nous les peuples. »

Signataires, membres du Collegium International :

Edgar Morin, Michel Rocard, Mireille Delmas-Marty, Richard von Weitzsäcker, Milan Kučan, Stéphane Hessel, Fernando Henrique Cardoso, René Passet, Peter Sloterdijk, 

Bernard Miyet, Patrick Viveret, Ahmedou Ould Abdalah, Ruth Dreifuss, William vanden Heuvel, Michael W. Doyle, Ricardo Lagos. En attente d’autres signataires.

28 RUE DE RIVOLI –75004 PARIS

FAX : 33 1 42 77 37 80




13/04/2013
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