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la Noètique ( noos)

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La crise ? Non, la fin !
Marc Halévy
Prospectiviste - Expert international
30 septembre 2008
marc@noetique.eu - www.noetique.eu
Il est deux façons de faire de l'argent. La première passe par le complexe travail-énergiematière
et produit de la valeur d'usage et, donc, par voie de conséquence, de la valeur
d'échange. Les progrès de la technologie et de la méthodologie ont permis à cette filière de
gagner continument des points de productivité depuis cinquante ans, ce qui a permis de
répondre à la croissance consommatoire. On parle, là, d'argent réel, de valeur réelle et
d'économie réelle.
Et puis, il y a la seconde façon qui s'appuie sur le complexe spéculation-pari-levier et qui crée
de la valeur d'échange sans aucune valeur d'usage. Elle s'appuie sur l'économie réelle pour
engendrer de l'argent virtuel par des mécanismes artificiels dont la titrisation est le parangon.
On parle, ici, d'argent virtuel, de valeur virtuelle et d'économie virtuelle. Par effets de levier
successifs, cette économie virtuelle a généré une croissance virtuelle qui a démultiplié la
croissance réelle, mais sans rien produire, .
Résultat : l'économie virtuelle pèse aujourd'hui environ quatre fois plus que l'économie réelle
dans le bilan économique officiel mondial (la somme des PIB des différents Etats). Avec 1
unité de valeur d'usage, on fait ainsi 5 unités de valeur d'échange.
Ce binôme réel-virtuel n'est pas neuf. Dans l'économie, il y a toujours eu une part spéculative
qui veut exploiter les anticipations sur les variations de valeurs, de coûts, de rareté relative,
etc … Ce qu'il y a de neuf, c'est la disproportion monstrueuse du poids de l'économie
spéculative face à l'économie réelle.
Les explosions successives des "bulles" spéculatives "dot.com", japonaise, "subprime" et,
bientôt, "cartes de crédit", ne font que traduire et trahir ce déséquilibre structurel immense. On
pleurniche de devoir annoncer une croissance économique mondiale maigrichonne de peutêtre
un pourcent alors qu'il faudrait annoncer clairement une décroissance globale des PIB de
70% pour ramener la part de l'économie spéculative à un niveau supportable - quelques
pourcents de l'économie réelle.
Quand Dominique Strauss-Kahn parle de devoir réglementer les marchés financiers, il ne
prêche pas autre chose que l'impérieuse nécessité de briser, une fois pour toutes, les ailes à la
finance spéculative mondiale et à la production, à la pelle, de monnaie virtuelle sans aucune
valeur réelle.
L'évolution économique réelle n'a fait qu'amplifier le gouffre qui sépare les entreprises
productrices de valeur d'usage (matérielle ou, surtout, de plus en plus, immatérielle) et les
banques et autres officines de l'argent virtuel. Les banquiers et les financiers ne comprennent
plus rien à l'entreprise réelle (donc à l'économie réelle). Pour eux, une entreprise, c'est un lieu
de spéculation et rien d'autre. C'est du papier (des actions) et des papiers (des bilans et plans
d'affaire). Quant au reste - l'essentiel -, il n'y comprennent rien et n'en ont cure. La finance,
par les effets de levier virtuels évoqués plus haut, s'est prise pour la maîtresse de l'économie et
à ouvert la porte tout grand à tous les délires, tous plus artificiels et stériles les uns que les
autres. Les fusions et acquisitions ne sont plus des moyens de créer des synergies réelles, mais
des moyens de survaloriser artificiellement, spéculativement et virtuellement du papier dont
les valeurs d'usage sont absentes. Le cas Universal et la fatuité d'un Jean-Marie Messier furent
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un premier "bel" exemple. Le cas Fortis et la mégalomanie incompétente d'un Maurice
Lippens en sont un second. Et qui paie la casse ? Les contribuables.
Les banques tomberont donc. Les unes après les autres. Et les Etats ne pourront plus venir à
leur rescousse parce que ces Etats sont en faillite depuis longtemps et ont déjà vidé
aujourd'hui les réserves de financement de demain (dont les retraites). Alors ?
La logique financière a été au bout de sa bêtise. Nous ne vivons pas une crise financière, nous
vivons la fin de la Finance, la fin des golden boys de Wall Street, de la City ou d'ailleurs, la
fin de l'argent-roi, la fin du tout monétisé et du tout monétisable, la fin de la spéculation à
grande échelle et de l'argent facile. Retour au réel ! Il n'y a pas d'argent facile. Il n'y a pas
beaucoup d'argent sans beaucoup de sueur.
La seule valeur qui soit est la valeur d'usage dont la valeur d'échange doit être l'exact reflet
sous peine d'être un leurre pernicieux, un artifice creux, voire du vol pur et simple.
Comme il y a deux argents et deux économies, il y a deux capitalismes dont l'un doit être
éradiqué sans pitié. Il y a le capitalisme entrepreneurial qui finance des entreprises réelles
dans l'économie réelle et qui engendre de l'argent réel avec de la réelle valeur d'usage. Et il y a
le capitalisme spéculatif et financier dont la Bourse est le temple et qui doit disparaître car il
n'est pas seulement inutile, on sait à présent qu'il est délétère et mortel.
Que se passera-t-il ? L'économie officielle est condamnée à la décroissance rapide : le
dégonflement de toutes les bulles spéculatives est inéluctable et même souhaitable - ce n'en
est, aujourd'hui, que le tout début. Cela va faire mal. Les Etats ne pourront pas suivre. Une
immense dépression est à nos portes avec son cortège de misères, d'émeutes, de guerres. En
gros : lorsque la gangrène a gagné, il faut souffrir et amputer.
Heureusement, à l'échelle mondiale, l'économie officielle (la somme des PIB de tous les
Etats) dont une large majorité est purement spéculative, ne représente qu'un sixième environ
du total de l'économie réelle. Face à elle il y a l'économie pirate (le travail au noir, les fraudes
fiscales et autres, les contrefaçons, les dessous de table, etc …) qui pèse 5.000 milliards de
dollars (contre 2.500 milliards de dollars pour l'économie officielle). Il y a aussi l'économie
maffieuse (trafics de tout ce qui est illégal et illicite) qui pèse autant que l'économie officielle.
Il y a enfin l'économie démonétisée (tout le travail "gratuit", les trocs et bénévolats, les mères
au foyer, les services que l'on rend et les échanges de bons procédés) qui, elle aussi, pèse
globalement le double de l'économie officielle.
Avec la fin de la spéculation, c'est l'économie officielle, et elle seule, qui s'effondre. Elle ne
pèse qu'un sixième, répétons-le, de l'économie mondiale réelle. La sortie de l'impasse et la
survie économique de l'humanité passeront donc par les économies pirate et démonétisée. On
le sait bien, en cas de crise majeure, comme ce fut le cas sous la botte nazie, le marché noir
(qui est une part de l'économie pirate) se développe et prend le pas sur l'économie officielle de
rationnement. De plus, comme l'économie maffieuse ne se développe que grâce aux interdits
promulgués par les Etats et que ceux-ci s'étiolent, l'économie maffieuse s'étiolera avec eux.
Donc, globalement, à l'échelle mondiale, la chute de l'économie officielle n'est qu'un demi
mal. Par contre, dans nos pays où l'Etat, depuis toujours, combat les économies parallèles
pour s'arroger le monopole des prélèvements via l'économie officielle, celle-ci pèse beaucoup
plus qu'un sixième (probablement de l'ordre de la bonne moitié) et son effondrement induira
un marasme indescriptible, le temps de réinventer une économie pirate et démonétisée qui
prenne le relais.
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Economies pirate et démonétisée, donc ! Là, foin de spéculation : c'est de survie au quotidien
qu'il s'agit. Retour à l'essentiel. Retour au réel. La seule issue est la voie de la frugalité. En
tout.
L'humanité n'a guère le choix : ou bien elle devient vraiment frugale et assume le principe de
réalité, ou bien elle s'enferme dans le principe de plaisir et elle mourra … comme la Bourse et
les banques.
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20/03/2013
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